Narcisse, ce personnage, tout comme Echo, issu des Métamorphoses d’Ovide et de la mythologie, nourriture essentielle des psychanalystes, nous renvoie à un symbolisme total.

Il met en jeu l’amour, une chaîne d’amour : Céphale aime Procris qui aime Narcisse, Echo (la belle nymphe) aime Narcisse qui aime son image...

Autant de flèches lancées par l’Amour, autant de traits tirés entre chaque être, autant de blessures, de désespoirs, de morts symboliques.

Autre symbole significatif : Narcisse, l’homme, lorsqu’il se mire mortellement dans l’eau, dans le reflet de son image, est transformé en Narcisse, fleur.

L’homme symbolique devient fleur symbolique, le symbole se mire en un symbole, en quelque sorte un palindrome issu de l’eau.

Vanité.

Nous sommes au cœur des vanités où des fleurs superbes s’épanouissent dans le voisinage d’images de la mort.

Mort.

Amour.

Amour et mort, fleurs symboles de la fragilité de la vie et de l’inconstance de l’amour, c’est sur ces thèmes que la mise en scène baroque de notre quotidien nous sidère, nous effraie et nous fascine.

Comme dans le Bunraku japonais, les acteurs de la vie donnent un souffle, une âme, à des fleurs symbolisant leur personnage, et vont, à distance, communiquer par ces fleurs :

  • joute de fleurs
  • de fines fleurs
  • on se lance des fleurs
  • on conte fleurette
  • on se fait des fleurs
  • on se couvre de fleurs
  • à fleur de peau
  • à fleur de sel
  • à la fleur de l’âge
  • fleurs personnages

...fleurs marionnettes manipulées dans l’abstraction du théâtre noir de la vie.

Et nous, qui sommes-nous donc pour oser, tel Narkissos, braver Némésis sans pour autant mourir de désespoir ?

D’ailleurs à ce propos on peut noter que le rejet par le sujet de l’individu, ou d’un groupe d’individus, est une des spécificités du narcisissisme. L’image renvoyée posséde deux aspects, tout d’abord superficiel en rapport avec la suface de l’eau, puis, un autre aspect, plus intéressant à étudier, la profondeur de l’eau qui pourrait correspondre à une introspection de Narcisse (qui découvrirait la réciprocité de l’amour d’Echo en lui).
Restreindre le mythe de Narcisse à son aspect premier ne serait prendre en considération que le caractére négatif et de ce fait pathologique.
Or le narcissime est aussi bénéfique dans la mesure où il entraîne le sujet dans une une analyse plus profonde, et non uniquement superficielle, sur la nature de ses désirs, sur le cheminement de ses besoins, c’est à dire un commencement de la connaissance de « soi ».
Nous pouvant appuyer cette idée par l’observation du comportement de l’adolescent, puisque celui-ci, tout comme Narcisse, se cherche. Pour cela il passe par divers états d’esprits qui peuvent le conduire à l’isolement ou à une attitude extravangante afin de prouver son originalité, ou encore adopter les moeurs d’un groupe pour exister et être reconnu.
Ainsi, le comportement narcissique n’est pas négatif de maniére absolue, c’est l’attitude poussée à l’excés (ou à l’extrême) qui peut être nuisible pour l’individu ou le groupe.

Je me pose aussi la question, vue la société actuelle moderne, si le reflet de Narcisse en se mirant dans le lac, ne représente pas plutôt le reflet de sa beauté intérieure, et que, finalement, ce serait la jalousie et l’envie des autres qui l’aurait tué ?
En quelque sorte, ne représenterait-il pas l’innocence plus que la vanité ou l’égocentrisme ?
Je médite sur ce sujet en regardant “La naissance de Narcisse”, peinture de Salvador Dali :

Ouvrons-nous,
Ouvrons notre Amour aux autres,
Et laissons aussi les autres nous aimer !

P.-S.

  • Peinture de Nicolas Poussin, Echo et Narcisse, 1650
    Musée du Louvre, Paris