Encyclopédie Atypique Incomplète
Incomplète, car toujours en construction au gré des jours, avec sérieux, curiosité et humour.
Atypique, car toujours dans l'esprit de la connaissance par l'observation et la pratique.
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dimanche 21 novembre 2010
Les êtres vivants ne semblent vivre que pour se reproduire, c’est à dire pour transmettre leurs gènesUnité d’hérédité contrôlant un caractère particulier. Cet élément génétique correspondant à un segment d’ADN ou d’ARN (virus), situé à un endroit bien précis (locus) sur un chromosome. Chaque région de l’ADN qui produit une molécule d’ARN fonctionnelle est un gène., et puis mourir. Dans cette course à la reproduction, chaque individu s’efforce de faire mieux que l’autre. Le progrès de la vie au cours de l’évolution est le résultat paradoxal de cette compétition.
Depuis le début de l’ère
informatiqueScience du traitement rationnel, notamment par machines automatiques, de l’information considérée comme le support des connaissances humaines et des communications dans les domaines technique, économique et social (définition approuvée par l’Académie française)., des plaisantins fabriquent des « VirusParticule microscopique infectieuse possédant un seul type d’acide nucléique (ADN ou ARN) qui ne peut se répliquer qu’en pénétrant dans une cellule et en utilisant sa machinerie cellulaire. Les virus sont en général des germes pathogènes.
Vaste famille de microorganismes responsables d’infections... », de petits programmes qui, une fois entrés dans votre
ordinateurÉquipement informatique de traitement automatique de données comprenant les organes nécessaires à son fonctionnement autonome.
Anglais : computer.
, en perturbent le fonctionnement. Au début, ces virus étaient extrêmement simples. Mais les fabricants ayant mis sur le marché des « anti-virus » capables de les détruire, les plaisantins ont très vite mis au point des « virus » plus sophistiqués, contraignant les fabricants à sophistiquer à leur tour leur produit. Et ainsi de suite, sans fin. A peu de chose près, c’est là le genre de course-poursuite que se livrent, en biologie, les
parasitesCertains organismes vivent au dépend d’autres organismes. On dit qu’ils sont des parasites.
Par exemple, le pou est un parasite de l’homme puisqu’il se nourrit de son sang. et leurs hôtes.
Le parasite est un organisme vivant qui utilise un autre organisme vivant, appelé l’hôte, à la fois comme habitat et comme source d’énergie.
Si votre chat mange une souris, il prend de l’énergie à la souris, mais comme il n’utilise pas la souris en tant qu’habitat, il n’est pas un parasite, il est un prédateur.
En revanche, si vous attrapez le ver solitaire, ce ver vous prend de l’énergie et vous utilise comme habitat, à vos dépends, il est donc un parasite ! |
Sur la terre, il n’existe pas d’organismes vivants sans parasites, lesquels peuvent être de simples moléculesEnsemble d’atomes unis les uns aux autres par des liaisons chimiques. (les éléments mobiles qui s’insèrent dans l’ADNAcide DésoxyriboNucléique, molécule support de l’information génétique héréditaire. L’ADN forme des pelotes microscopiques qui, chez les organismes eucaryotes, sont localisées dans le noyau des cellules.
Déroulées, les molécules d’ADN s’étirent en un très long fil, constitué par un enchaînement de protéines. par exemple), des virus, des bactériesMicro-organisme unicellulaire sans noyau (procaryote) dont le génome est constitué d’ADN.
La bactérie contient un seul chromosome et éventuellement des plasmides.
Certaines bactéries peuvent être pathogènes. Chez l’Homme les symptômes d’une infection bactérienne sont similaires à ceux observés..., voire des organismes plus complexes. Parmi les parasites, on trouve ainsi quelques poissons, et même des oiseaux, le coucou notamment.
Le parasite, en empruntant de l’énergie à son hôte, réduit le succès reproductif de ce dernier. Mais certains hôtes, par suite de mutationAltération du matériel génétique (ADN ou ARN) d’une cellule ou d’un virus qui entraîne une modification durable de certains caractères du fait de la transmission héréditaire de ce matériel génétique de génération en génération. génétiqueScience de l’hérédité.
La génétique étudie les caractères héréditaires des individus, leur transmission au fil des générations et leurs variations (mutations). C’est l’étude de cette transmission héréditaire qui a permis l’établissement des lois de Mendel., vont développer des mécanismes de lutte efficace contre le parasite. Ces hôtes capables de se défendre se reproduiront évidemment mieux que les hôtes qui se sont laissés infecter -avec eux, c’est au tour du parasite de se trouver perdant, qui n’a plus alors qu’une chose à faire, tenter de se perfectionner à son tour. S’il y réussit, son hôte devra se perfectionner également, et ainsi de suite en un mouvementVariation de la position d’un point, d’un solide d’un système, étudié dans un référentiel donné, en fonction du temps. auto-entretenu sans fin.
Imaginons la mise en place d’un système hôte-parasite :
Voici deux exemples d’abord de gènes pour rencontrer :
Deux exemples, maintenant, de gènes pour éviter :
Supposons maintenant que, malgré tout, l’infection ait lieu, sont alors sélectionnés, chez l’hôte, des gènes pour tuer :
Or, malgré cela, les maladies existent... Pourquoi ? Grâce à, ou à cause, des gènes pour survivre :
Pourtant, hôtes et parasites n’obéissent pas tous à ce schéma de compétition infinie. Il arrive parfois qu’ils « collaborent ». On parle alors de mutualisme.
Supposez que l’un de vos amis passe un soir chez vous et s’invite à dîner, puis qu’il recommence le lendemain, le surlendemain, et ainsi de suite. Au bout d’un certain temps, vous le traiteriez, c’est inévitable, de « parasite ».
Supposez maintenant que cet ami ait eu le bon goût de vous offrir le premier soir des fleurs, le second une boîte de chocolats ou de bonbons, le troisième une superbe bouteille de champagne ou de cognac, et ainsi de suite. Non seulement vous ne le traiteriez pas de parasite, mais le jour où vous ne le verriez pas, vous vous en inquiéteriez : “Qu’est-ce qu’il fait ? Il est en retard !”
« Offrir des fleurs » c’est, pour le parasite, apporter à son hôte des gènes innovants qui vont accroître le succès reproductif de ce dernier, excellent moyen en passant de lui faire baisser ses défenses des gènes pour éviter ou encore des gènes pour tuer.
On croit parfois que parasitisme et mutualisme sont des choses complètement différentes. Ce n’est pas le cas.
Simplement, dans le parasitisme, un des partenaires exploite l’autre, alors que dans le mutualisme, l’un exploite l’autre et l’autre exploite l’un, une exploitation croisée totalement « égoïste », aussi égoïste que l’association parasitaire.
Charles DarwinCharles Robert Darwin est né en 1809 et mort en 1882.
Le plus célèbre des naturalistes anglais, auteur de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle (plus couramment désignée sous les termes de « théorie de l’évolution »), à laquelle s’est rallié l’ensemble de la communauté scientifique., biologiste et naturaliste, reçut un jour une orchidée de Madagascar, Angraecum sesquipedale, dont le nectaire avait une longueur extraordinaire d’une trentaine de centimètres.
Le nectaire, tube cylindrique fixé à la base de la fleur, contient un liquide sucré pour attirer les insectesInvertébré articulé dont le corps est divisé en trois segments et trois paires de pattes. Ils forment une classe des arthropodes.. Lorsque les insectes viennent boire le liquide, ils heurtent de la tête un point de la fleur où se trouvent les pollinies, nom que l’on donne aux masses de pollenL’élément mâle chez les plantes qui fleurissent ; généralement une poussière fine produite par les anthères qui effectue, par le contact avec le stigmate, la fécondation des semences. collantes. L’insecte, sans le vouloir, emporte alors les pollinies et les transporte sur les organes femelles d’autres orchidées.
Darwin, frappé par la taille incroyable de ce nectaire, eut alors - on était en 1865 - l’intuition géniale qu’à Madagascar devait exister un papilllon dont la trompe avait une longueur comparable. Ce papillon, Xanthopan Morgani, on le découvrit en effet, mais en 1920 seulement !
L’explication la plus souvent donnée est la suivante : pour que les pollinies se collent sur la tête du papillon, il faut que la tête de celui-ci les heurte avec une certaine force. Si l’accès au nectarSubstance d’origine végétale produite au niveau de l’inflorescence.
La fleur non fécondée excrète cette substance qui a un effet attracteur pour les insectes pollinisateurs. Son transport d’une fleur à l’autre assure sa pollinisation, sa fécondation et donc sa fructification. est trop facile, le papillon ingurgite du nectar mais repart sans pollinies.
Par conséquent, seules les plantes à nectaires longs, qui contraignent l’insecte à heurter la base des pollinies pour atteindre le nectar, se reproduisent : le caractère « nectaire long » est donc favorisé par la sélection naturelle.
Parallèlement, la sélection naturelle favorise chez le papillon le caractère « trompe longue », puisque les papillons à trompe courte n’atteignent pas le précieux nectar et, mal nourris, se reproduisent mal. Bref, ce processus co-évolutif a abouti à des orchidées aux nectaires interminables et à des papillons à la trompe démesurée.
L’orchidée se soucie-t-elle de nourrir le papillon ?
Bien sûr que non ; elle se soucie seulement de transmettre ses gènes.
Le papillon se soucie-t-il de transporter le pollen ?
Bien sûr que non ; il se soucie seulement de bien se nourrir pour pouvoir transmettre lui aussi ses gènes.
Mais ensemble, ces égoïsmes croisés produisent quelque chose de neuf.
Ici une question se pose : ces phénomènes de co-évolution sont-ils anecdotiques ou jouent-ils au contraire un rôle fondamental dans la vraie, la grande Evolution, celle qui, en 3 milliards et demi d’années, a conduit des formes initiales de la vie jusqu’aux hommes d’aujourd’hui ?
Pour Leigh Van Valen, de l’Université de Chicago, le moteur principal de l’évolution de toute espèce vivante est représenté par les autres espèces avec lesquelles cette espèce partage des ressources. Tout progrès dans la valeur adaptative d’une espèce quelconque modifie l’environnement des espèces qui l’entourent et les oblige à s’adapter. Cette adaptation provoque à son tour un changement dans l’environnement de la première espèce, ce qui la pousse à un nouvel épisode de sélection, et ainsi de suite. Cela se produit parce que les ressources sont limitées.
Van Valen a baptisé cette proposition du nom d’hypothèse de la Reine Rouge.
L’expression « Reine Rouge » est empruntée au roman de Lewis Caroll « A travers le MiroirSurface optique réfléchissante utilisée dans les réflecteurs (télescope). On distingue le miroir principal qui réfléchit les rayons lumineux vers un miroir secondaire qui renvoie l’image vers l’oculaire. Ces miroirs peuvent être concaves, convexes, sphériques, paraboliques. », dans laquelle Alice tient la Reine Rouge par la main et court avec elle au pays des Merveilles. Alice, surprise que le paysage autour d’elles ne change pas, interroge la Reine, qui lui répond qu’elles courent pour rester sur place et que c’est pourquoi le paysage leur paraît immobile.
Il en va de même dans les co-évolutions : les espèces en conflit, courent, c’est à dire « inventent » sans cesse de nouvelles adaptations, mais la valeur relative de chacune de ces adaptations ne change pas, nous, les hommes, par exemple, ne sommes pas mieux adaptés pour exploiter notre milieu que les bactéries pour exploiter le leur ; les bactéries font même beaucoup mieux que nous, puisqu’elles sont capables de vivre dans des milieux qui nous sont interdits, comme le fond des océans, le cœur des glaciers ou les nappes pétrolifères.
Mais si, en termes d’adaptation, nous ne sommes pas supérieurs aux bactéries, nous leur sommes en revanche très supérieurs en termes de complexité !
L’hypothèse de la Reine Rouge présente d’ailleurs l’avantage d’expliquer l’accroissement ininterrompu de la complexité qui, depuis les origines, a conduit l’être vivant de l’état de molécule à celui d’Homo sapiensEspèce regroupant les hommes actuels (-200.000 ans à maintenant).
Il y a trois cent mille ans, le premier représentant direct de notre espèce apparaît sur terre : homo sapiens. Il va peu à peu remplacer tous les autres hominidés., dont le cerveauOrgane du système nerveux central, situé dans la boîte crânienne, siège des fonctions supérieures (fonctions cognitives, sens, réponses nerveuses) et végétatives.
Les hémisphères droit et gauche, divisés en quatre lobes, sont les parties les plus développées chez les mammifères. est l’objet le plus complexe du cosmos, avec ses 10 à 100 milliards de neuronesCellule du système nerveux spécialisée dans la communication et le traitement d’informations. Chaque neurone est composé d’un corps cellulaire comportant un noyau, ainsi que deux types de ramifications : les dendrites (entrées) et un axone (sortie des informations). , chacun relié à d’autres neurones par un millier de synapsesRégion d’interaction entre deux cellules nerveuses qui constitue une aire de jonction par laquelle le message chimique passe d’un neurone à un autre, entraînant l’excitation ou l’inhibition de ce dernier. La synapse comprend aussi les membranes. en moyenne.
Si cette hypothèse est exacte, alors l’évolution c’est... les autres !
Lui accorder crédit n’empêche nullement d’admettre que les grands évènements physiques qui ont affecté la planèteL’Union Astronomique Internationale (UAI) s’est longuement penchée sur la définition des planètes lors de sa 26e assemblée générale qui s’est tenue à Prague du 14 mai au 25 août 2006.
Il devenait en effet urgent que la nomenclature des objets célestes reflète l’ensemble des corps que les performances des nouveaux outils astronomiques ont permis de découvrir., l’émergence des terres, la dérive des continents, les grandes éruptions volcaniquesPériode d’activité du volcan pendant laquelle il émet du magma., les fluctuations climatiques, etc., aient joué un rôle essentiel à certains moments de l’évolution, donnant à cette dernière un caractère bien moins « gradualiste » qu’on ne le croyait jadis. (Les découvertes récentes sur les gènes homéotiquesLes gènes homéotiques, appelés aussi gènes architectes, sont les gènes responsables du plan d’organisation des êtres vivants, en d’autres termes de la place des organes et des membres les uns par rapport aux autres, en fonction des axes antéro-postérieur (devant-derrière) et dorso-ventral., qui contrôlent le développement, montrent aussi que la mutation d’un seul ou d’un petit nombre de gènes peut entrainer des changements profonds et rapides dans la morphologieLa loi de la forme ou de la structure indépendante de la fonction. des organismes).
Mais l’hypothèse de la Reine Rouge présente aussi un autre intérêt : elle permet d’expliquer pourquoi est apparue la sexualité...
Dans la course-poursuite évoquée plus haut, chaque adversaire doit disposer d’un réservoir de diversité génétique aussi vaste que possible pour pouvoir répondre aux « inventions » de l’autre, c’est-à-dire aux caractères innovants codés par ses gènes. Plus une espèce dispose de diversité génétique et plus elle est capable de répondre à la diversité de l’autre.
On le comprendra mieux en évoquant à nouveau la relation parasites-hôte.
Si une population de parasites était formée d’individus génétiquement identiques, ses hôtes trouveraient très vite le moyen de les détruire. C’est d’ailleurs ce qui passe en agriculture avec les plantes clonées : si un virus s’attaque à l’une de ces plantes et la fait mourir, toutes les plantes de même génome mourront aussi ; en revanche, si les plantes d’un même champ sont, génétiquement, un peu différentes, certaines d’entre elles au moins auraient une chance de se défendre.
Bref, pour survivre, les organismes vivants, qu’ils soient hôtes ou parasites, doivent générer constamment de la diversité, de la même manière qu’Alice et la Reine Rouge doivent courir constamment.
Pour un organisme minuscule, un virus ou une bactérie par exemple, il n’est pas très difficile de générer de la diversité. Son temps de génération étant extrêmement bref (certaines bactéries peuvent se reproduire toutes les dix minutes), un tel organisme peut muter souvent, à chaque génération même, c’est-à-dire générer une diversité infinie.
En revanche, pour un éléphant, un cheval ou, bien sûr, un homme, le temps de génération étant beaucoup plus long, les possibilités de mutations sont beaucoup plus rares, trop rares pour assurer une diversité qui suffisent à leur donner de bonnes chances de se défendre contre les bactéries et les virus.
C’est pourquoi, c’est du moins l’hypothèse que l’on fait, la sexualité est apparue.
En effet, la femelle sexuée ne transmet à la génération suivante que la moitié de ses gènes, l’autre moitié étant fournie par le mâle.
Le génome de l’enfant qui va naître de cette union sera donc une combinaison génomiqueScience des génomes.
La génomique regroupe un ensemble d’analyses qui vont de l’établissement de cartes du génome (cartographie) à l’identification de nouveaux gènes, à l’étude de leurs fonctions et au séquençage des molécules d’ADN. neuve, à nulle autre pareille, gage dans la durée d’une formidable diversité génétique, avantage inestimable dans la course-poursuite infinie que se livrent l’hôte et son parasite. De plus, au cours de la méïose qui donne naissance aux gamètesCellule germinale (reproductrice), ovule ou spermatozoïde, qui lors de la fécondation, fusionne pour former le zygote (œuf).
Les cellules du corps humain possèdent 23 paires de chromosomes, soit 46 chromosomes. Les gamètes, eux, n’en possèdent que 23, la moitié., les gènes sont « recombinés », d’une part parce que les chromosomesUn chromosome est une structure constituée d’ADN. Chacun des chromosomes a une forme différente. Nous en avons 23 paires dans le noyau de chacune de nos cellules, 22 sont communes aux deux sexes. Les deux chromosomes restants sont les chromosomes sexuels. Chez la femme, ils forment une paire. paternels et maternels sont distribués aléatoirement dans les ovulesEn botanique : organe entouré d’un tégument et renfermant le gamète femelle ; future graine, avant la fécondation.
En zoologie : Gamète femelle élaboré par l’ovaire et prêt pour la fécondation. ou les spermatozoïdesGamète mâle., d’autre part parce que les chromosomes d’une même paire échangent entre eux des fragments d’ADN. Ainsi naissent de nouvelles combinaisons géniquesQualifie une thérapie qui se focalise sur le gène à l’origine de toute maladie cancéreuse ; la thérapie consiste à introduire un gène ou un fragment de gène « normal » dans les cellules malades ; cette stratégie est testée pour quelques formes de cancer mais elle est encore expérimentale..
Normalement, l’évolution se fait parce qu’il y a transmission aux descendants de gènes mutés ou de génomes recombinés. Mais, comme l’explique Kevin Laland, de l’Université de Cambridge, le jour où l’homme a su tailler un caillou pour en faire un outil, il a pu transmettre des informations à ses descendants, des connaissances, des croyances, du savoir-faire technologique, sans le secours de ses gènes.
La culture était née, qui allait changer le cours de l’Evolution. C’est pourquoi l’on parle aujourd’hui de co-évolution culture-génome.
Chez les chasseurs-cueilleurs de la préhistoire, les individus se croisaient de manière plus ou moins aléatoire, avaient des enfants, la sélection naturelle opérait, etc.
Puis l’agriculture fut inventée, ce fut le premier grand coup infligé par la culture à la sélection génétique classique.
Elle permit en effet que de petites inégalités initiales entre les individus se traduisent par la possession de terres et l’accumulation de richesses. Des inégalités de plus en plus grandes se sont alors manifestées, d’où sont nés les royaumes, les empires et les féodalités. Cette forte hiérarchisation des humains a considérablement perturbé la transmission naturelle des gènes.
Matt Ridley montre que, jusqu’à une date très récente, le « pouvoir » a toujours été associé à la production du plus grand nombre possible de descendants. Il cite l’empereur chinois Fei-Ti (Ve siècle après J.-C., dynastie Nan) et ses 10.000 concubines. Laura Betzig rapporte quant à elle que les empereurs de la dynastie Tang (VIIe et VIIIe siècles après J.-C.) allaient jusqu’à faire tenir un agenda détaillé des dates de menstruation de leurs concubines afin de ne pas gaspiller leur spermeLiquide expulsé par les organes génitaux mâles lors de l’accouplement. Il contient les spermatozoïdes et le fluide séminal nutritif (mucus, acides aminés et fructose)..
Bien d’autres pratiques culturelles modifient aussi les caractères génétiques des populations humaines, à commencer par l’infanticide des filles, traditionnel dans certaines sociétés, qui déséquilibre la proportion des sexes et modifie en conséquence la circulation des gènes.
Et l’on peut même penser que les progrès modernes de la médecine contrarient la sélection des gènes de résistance aux maladies. Les gènes qui provoquent par exemple le diabèteLe diabète est une maladie dans laquelle on observe un trouble de l’utilisation du sucre par l’organisme, du fait d’un dysfonctionnement du pancréas qui ne libère pas assez, ou plus assez, d’insuline dans l’organisme., les allergiesL’allergie est une réaction à une certaine substance, comme le pollen, les phanères des animaux domestiques, ou certains aliments. En général, la réaction se manifeste par des éternuements, une constriction des voies respiratoires, un larmoiement et une éruption cutanée. ou la myopie sont aujourd’hui libres de se répandre dans les populations, alors qu’ils eussent été certainement contre-sélectionnés à d’autres époques.
Dans la préhistoire, les myopes par exemple, parce qu’ils étaient les derniers à voir le lion arriver, n’avaient sans doute guère de chances de pouvoir transmettre leurs gènes !
On peut se demander, par ailleurs, si l’affaiblissement actuel de la structure familiale occidentale, qui modifie elle aussi la circulation des gènes (d’un point de vue génétique, ce n’est pas pareil de faire ses enfants toute la vie avec la même femme ou avec le même homme, ou de les faire de manière désordonnée), ne relève pas, lui aussi, d’un processus de co-évolution culture-génome.
Pourquoi d’ailleurs la famille se désagrège-t-elle ?
Une explication possible est que l’accélération des acquisitions culturelles est telle, aujourd’hui, que les parents ne peuvent désormais transmettre à leurs enfants que des concepts démodés, raison pour laquelle les enfants enrichissent davantage leurs connaissances auprès d’individus de la même génération que d’individus des générations précédentes, grands-pères et grands-mères ont perdu leur pouvoir.
Est-il utile de dire enfin que les interventions directes sur le génome humain, qui se feront au cours du millénaire qui vient de commencer, relègueront les processus naturels au rang d’accessoires obsolètes ?
Nous avons beaucoup parlé de « la » culture, comme s’il n’y en avait qu’une.
En réalité il en existe beaucoup, qui se sont développées séparément parce que situées à l’origine dans des espaces géographiques cloisonnés.
Aujourd’hui, en revanche, toutes les cultures sont en contact les unes avec les autres. Si un processus de Reine Rouge, de course-poursuite, s’installait entre elles, elles pourraient survivre les unes et les autres en s’enrichissant et se renforçant mutuellement.
Mais hélas ! Elles semblent avoir tendance à se heurter plutôt dans un processus de sélection « darwinien », d’exclusion compétitive.
Il faudrait en effet, pour qu’une co-évolution fructueuse puisse s’installer entre les cultures, que leurs forces ne soient pas trop disparates. Rappelez-vous : deux ou trois ans après que l’on eut introduit des chats dans certaines îles de l’archipel des Kerguelen, tous les oiseaux avaient disparu, parce que le déséquilibre entre les « forces » en présence des chats et des oiseaux était trop grand.
Aussi, pouvons-nous craindre que, de la même manière, dans le monde, une seule culture ne finisse par écraser toutes les autres.
D’après une intervention de Claude Combes, biologiste et parasitologue en écologie tropicale, enregistrée en 2001 lors d’une conférence donnée à Paris à l’occasion de l’Université de Tous les Savoirs.