Encyclopédie Atypique Incomplète
Incomplète, car toujours en construction au gré des jours, avec sérieux, curiosité et humour.
Atypique, car toujours dans l'esprit de la connaissance par l'observation et la pratique.
Incomplète, car toujours en construction au gré des jours, avec sérieux, curiosité et humour.
Atypique, car toujours dans l'esprit de la connaissance par l'observation et la pratique.
vendredi 21 août 2009
Article VIII - Des neuf changements
Sun Tzu dit : Ordinairement l’emploi des armées relève du commandant en chef, après que le souverain l’a mandaté pour mobiliser le peuple et assembler l’armée.
Voilà ce que j’appelle les neuf changements ou les neuf circonstances principales qui doivent vous engager à changer la contenance ou la position de votre armée, à changer de situation, à aller ou à revenir, à attaquer ou à vous défendre, à agir ou à vous tenir en repos. Un bon général ne doit jamais dire : Quoi qu’il arrive, je ferai telle chose, j’irai là, j’attaquerai l’ennemi, j’assiégerai telle place. La circonstance seule doit le déterminer ; il ne doit pas s’en tenir à un système général, ni à une manière unique de gouverner. Chaque jour, chaque occasion, chaque circonstance demande une application particulière des mêmes principes. Les principes sont bons en eux-mêmes ; mais l’application qu’on en fait les rend souvent mauvais.
Un grand général doit savoir l’art des changements. S’il s’en tient à une connaissance vague de certains principes, à une application routinière des règles de l’art, si ses méthodes de commandement sont dépourvues de souplesse, s’il examine les situations conformément à quelques schémas, s’il prend ses résolutions d’une manière mécanique, il ne mérite pas de commander.
Un général est un homme qui, par le rang qu’il occupe, se trouve au-dessus d’une multitude d’autres hommes ; il faut par conséquent qu’il sache gouverner les hommes ; il faut qu’il sache les conduire ; il faut qu’il soit véritablement au-dessus d’eux, non pas seulement par sa dignité, mais par son esprit, par son savoir, par sa capacité, par sa conduite, par sa fermeté, par son courage et par ses vertus. Il faut qu’il sache distinguer les vrais d’avec les faux avantages, les véritables pertes d’avec ce qui n’en a que l’apparence ; qu’il sache compenser l’un par l’autre et tirer parti de tout. Il faut qu’il sache employer à propos certains artifices pour tromper l’ennemi, et qu’il se tienne sans cesse sur ses gardes pour n’être pas trompé lui-même. Il ne doit ignorer aucun des pièges qu’on peut lui tendre, il doit pénétrer tous les artifices de l’ennemi, de quelque nature qu’ils puissent être, mais il ne doit pas pour cela vouloir deviner. Tenez-vous sur vos gardes, voyez-le venir, éclairez ses démarches et toute sa conduite, et concluez. Vous courriez autrement le risque de vous tromper et d’être la dupe ou la triste victime de vos conjectures précipitées.
Si vous voulez n’être jamais effrayé par la multitude de vos travaux et de vos peines, attendez-vous toujours à tout ce qu’il y aura de plus dur et de plus pénible. Travaillez sans cesse à susciter des peines à l’ennemi. Vous pourrez le faire de plus d’une façon, mais voici ce qu’il y a d’essentiel en ce genre.
N’oubliez rien pour lui débaucher ce qu’il y aura de mieux dans son parti : offres, présents, caresses, que rien ne soit omis. Trompez même s’il le faut : engagez les gens d’honneur qui sont chez lui à des actions honteuses et indignes de leur réputation, à des actions dont ils aient lieu de rougir quand elles seront sues, et ne manquez pas de les faire divulguer.
Entretenez des liaisons secrètes avec ce qu’il y a de plus vicieux chez les ennemis ; servez-vous-en pour aller à vos fins, en leur joignant d’autres vicieux.
Traversez leur gouvernement, semez la dissension parmi leurs chefs, fournissez des sujets de colère aux uns contre les autres, faites-les murmurer contre leurs officiers, ameutez les officiers subalternes contre leurs supérieurs, faites en sorte qu’ils manquent de vivres et de munitions, répandez parmi eux quelques airs d’une musique voluptueuse qui leur amollisse le cœur, envoyez-leur des femmes pour achever de les corrompre, tâchez qu’ils sortent lorsqu’il faudra qu’ils soient dans leur camp, et qu’ils soient tranquilles dans leur camp lorsqu’il faudrait qu’ils tinssent la campagne ; faites leur donner sans cesse de fausses alarmes et de faux avis ; engagez dans vos intérêts les gouverneurs de leurs provinces ; voilà à peu près ce que vous devez faire, si vous voulez tromper par l’adresse et par la ruse.
Ceux des généraux qui brillaient parmi nos Anciens étaient des hommes sages, prévoyants, intrépides et durs au travail. Ils avaient toujours leurs sabres pendus à leurs côtés, ils ne présumaient jamais que l’ennemi ne viendrait pas, ils étaient toujours prêts à tout événement, ils se rendaient invincibles et, s’ils rencontraient l’ennemi, ils n’avaient pas besoin d’attendre du secours pour se mesurer avec lui. Les troupes qu’ils commandaient étaient bien disciplinées, et toujours disposées à faire un coup de main au premier signal qu’ils leur en donnaient.
Chez eux la lecture et l’étude précédaient la guerre et les y préparaient. Ils gardaient avec soin leurs frontières, et ne manquaient pas de bien fortifier leurs villes. Ils n’allaient pas contre l’ennemi, lorsqu’ils étaient instruits qu’il avait fait tous ses préparatifs pour les bien recevoir ; ils l’attaquaient par ses endroits faibles, et dans le temps de sa paresse et de son oisiveté.
Avant que de finir cet article, je dois vous prévenir contre cinq sortes de dangers, d’autant plus à redouter qu’ils paraissent moins à craindre, écueils funestes contre lesquels la prudence et la bravoure ont échoué plus d’une fois.
Un général doit se prémunir contre tous ces dangers. Sans trop chercher à vivre ou à mourir, il doit se conduire avec valeur et avec prudence, suivant que les circonstances l’exigent.
S’il a de justes raisons de se mettre en colère, qu’il le fasse, mais que ce ne soit pas en tigre qui ne connaît aucun frein.
S’il croit que son honneur est blessé, et qu’il veuille le réparer, que ce soit en suivant les règles de la sagesse, et non pas les caprices d’une mauvaise honte.
Qu’il aime ses soldats, qu’il les ménage, mais que ce soit avec discrétion.
S’il livre des batailles, s’il fait des mouvements dans son camp, s’il assiège des villes, s’il fait des excursions, qu’il joigne la ruse à la valeur, la sagesse à la force des armes ; qu’il répare tranquillement ses fautes lorsqu’il aura eu le malheur d’en faire ; qu’il profite de toutes celles de son ennemi, et qu’il le mette souvent dans l’occasion d’en faire de nouvelles.
Un article sur l’auteur : Sun Zi ou Sun Tzu ou Souen Tseu ?
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Traduction par le père Amiot, un jésuite qui vécut en Chine au 18e siècle et fut un haut fonctionnaire de l’État chinois ; elle date de 1772.
Le texte, libre de droits, est livré tel quel sans garantie de son intégrité parfaite par rapport à l’original.